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HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
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vieillard occupant toute la hauteur de la tapisserie ; ce personnage, assis sous un dais gothique, parait plongé dans la lecture des Écritures. Après lui, la composition se divise en deux frises, chacune de sept tableaux tirés du livre de saint Jean, à fonds alternés bleus et rouges. Au bas de chaque composition se trouvait autrefois une légende explicative qui n'existe plus '.
L'effet de ces figures, qui se détachent à l'aide d'un contour noir très marqué sur un fond uni, rouge ou bleu, d'une vivacité singulière, présente de frappantes analogies avec l'aspect des vitraux contemporains. Le tapissier a employé lés mêmes artifices que le peintre verrier pour rendre la silhouette des personnages très nette à grande distance. Une pièce de cette taille est nécessairement destinée à prendre place à une certaine hauteur. Le trait foncé qui enlève les figures sur un champ d'une coloration très vive a sans doute été inspiré par la baguette de plomb dans laquelle sont sertis les verres de différentes couleurs, dont le peintre verrier de cette époque sait tirer un si heureux parti. Cet expédient, suggéré à nos pères peut-être par le sentiment de nécessités pratiques plutôt que par des .considérations esthétiques, s'est conservé pendant bien longtemps. On voit encore au xvuc siècle les tapissiers, et les plus habiles, cerner les contours des ligures d'un trait accentué. Assurément les artisans modernes qui continuaient à employer cet ingénieux artifice ne se doutaient guère qu'ils appliquaient ainsi une vieille tradition gothique, née des exigences de la peinture sur verre.
Pour revenir à la tapisserie d'Angers, chaque pièce mesurant, comme on l'a dit, près de vingt-quatre mètres de long sur cinq mètres de haut, soit cent vingt mètres carrés, l'ensemble des six pièces de la tenture, dans son état primitif, n'allait pas à moins de sept cent vingt mètres de superficie.
Quels effrayants ouvrages nos pères, avec des ressources bornées, osaient entreprendre et menaient à bonne fin dans un espace de temps relativement très restreint ! Il ressort, en effet, des comptes, que Bataille livra trois pièces de l'Apocalypse en deux années, tout
1 On trouvera dans ce volume la reproduction en couleur d'un des premiers sujets, qui est en même temps un des plus caractéristiques. M. L. de Farcy, le savant historien de la tapisserie d'Angers, a bien voulu se charger lui-même de peindre sur l'original une aquarelle d'après laquelle a été faite cette reproduction. Nous saisissons avec empressement l'occasion de lui adresser ici l'expression de notre sincère gratitude.
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